Les marqueurs du remodelage osseux doivent-ils être surveillés systématiquement lors de l’arrêt du traitement par le dénosumab?
Les marqueurs du remodelage osseux doivent-ils être surveillés systématiquement lors de l’arrêt du traitement par le dénosumab?
Collaborateur·trice·s : Dr Adrian Lau, Dre Claudia Gagnon, Dre Laëtitia Michou, Dre Emma Billington, Dre Zahra Bardai, Dre Vithika Sivabalasundaram, Dre Rowena Ridout, Dre Sandra Kim, Dre Suzanne Morin
Recommandations de l’équipe d’intervention rapide d’Ostéoporose Canada
L’arrêt du traitement par le dénosumab est associé à une diminution rapide de la densité minérale osseuse (DMO), à une augmentation du remodelage osseux et peut entraîner de multiples fractures vertébrales (1). Ostéoporose Canada a déjà publié un énoncé de principe à ce sujet (2).
Par conséquent, les lignes directrices d’Ostéoporose Canada de 2023 (3) recommandent que les personnes qui suivent un traitement par le dénosumab le maintiennent à long terme et veillent à ce que le traitement ne soit pas interrompu.
La durée optimale du traitement par le dénosumab fait cependant l’objet de débats. Des études ont démontré l’efficacité du traitement par le dénosumab en termes d’amélioration de la DMO et de réduction des fractures, et ce, pendant une période allant jusqu’à 10 ans (4). Au-delà de 10 ans, les données se font plus rares.
Comme dans le cas des bisphosphonates, il a été démontré que l’utilisation à long terme du dénosumab était liée à l’ostéonécrose de la mâchoire (ONM) et aux fractures atypiques du fémur (FAF). L’incidence des FAF et des ONM étant très faible, il est difficile de déterminer si l’utilisation du dénosumab entraîne des risques plus élevés de FAF et d’ONM (5).
Compte tenu de la diminution de la DMO et du risque accru de multiples fractures vertébrales par compression à l’arrêt du dénosumab, il n’est pas recommandé d’arrêter systématiquement le dénosumab ou de prendre une pause thérapeutique après une durée prédéterminée.
Toutefois, dans certaines situations, il peut être nécessaire d’interrompre le traitement par le dénosumab. Il peut s’agir d’une intolérance ou d’effets secondaires au dénosumab, d’une préférence du patient ou d’un choix d’arrêter le traitement après un traitement de longue durée, compte tenu de la crainte du risque d’ONM et de FAF.
De nombreuses études ont évalué la méthode optimale d’arrêt du dénosumab. Après une revue de la littérature, les auteurs des lignes directrices d’Ostéoporose Canada de 2023 ont recommandé ce qui suit :
En accord avec la déclaration de l’European Calcified Tissue Society (ECTS) [Société européenne de recherche sur les tissus calcifiés] (6), Ostéoporose Canada recommande aux personnes ayant reçu cinq (5) doses ou plus de dénosumab (c.-à-d. 2 ½ ans ou plus de traitement) de demander l’avis d’un spécialiste de l’ostéoporose sur la façon de passer à une thérapie de transition.
Ostéoporose Canada n’a pas formulé de recommandations précises quant à l’arrêt du traitement par le dénosumab pour ces patients, et ce, pour différentes raisons.
- Les lignes directrices de 2023 s’adressent aux médecins de premier recours plutôt qu’aux spécialistes.
- La transition impliquera probablement un traitement IV par bisphosphonates, qui devra peut-être être organisé dans un hôpital ou un centre de traitement.
- Tous les régimes d’assurance-médicaments provinciaux ou territoriaux ne remboursent pas nécessairement plus d’une dose IV de bisphosphonate par an.
- Des recherches sont en cours dans ce domaine, et la meilleure façon de cesser le traitement par le dénosumab n’est pas connue à l’heure actuelle et pourrait changer avec le temps.
L’ECTS recommande les mesures suivantes :
L’Endocrine Society (société d’endocrinologie internationale d’origine américaine) suggère l’administration d’acide zolédronique par voie intraveineuse huit (8) mois après la dernière dose de dénosumab, ainsi que l’utilisation de marqueurs du remodelage osseux pour déterminer si une deuxième dose d’acide zolédronique est nécessaire et à quel moment elle doit être administrée, le cas échéant (7).
Une cible inférieure à 280 ng/L du marqueur du remodelage osseux (MRO) appelé télopeptide C-terminal (CTX) a été proposé comme cible pour assurer des réactions appropriées suite à un traitement par bisphosphonates, selon les déclarations de l’ECTS et de l’Endocrine Society citées plus haut. Toutefois, des études plus récentes suggèrent qu’une cible plus basse de CTX, à 212 ng/L, pourrait être plus efficace pour prédire une éventuelle perte osseuse (8). Il apparaît donc que les recommandations en la matière continueront d’évoluer au fur et à mesure qu’apparaîtront de nouvelles données.
Les lignes directrices d’Ostéoporose Canada de 2023 ne font ni référence ni n’approuvent l’utilisation de marqueurs du remodelage osseux dans le contexte de l’arrêt du dénosumab. Malgré que les marqueurs du remodelage osseux soient disponibles dans la majeure partie du Canada, ils ne sont pas toujours financés, ce qui pose un problème d’accessibilité. Bien que l’absence de suppression après une dose IV d’acide zolédronique puisse indiquer la nécessité d’une autre dose, l’évaluation de l’évolution de la DMO peut être une bonne alternative. La Société coréenne d’endocrinologie a réalisé une étude à ce sujet en 2022 (9). Elle recommande de surveiller le taux sérique de CTX et la DMO, mais la décision de redosage peut être prise si le taux de CTX reste élevé ou si la DMO présente une baisse significative.
Les recommandations susmentionnées des différentes sociétés (ECTS, Endocrine Society, Société coréenne d’endocrinologie) sont principalement fondées sur des avis d’experts, plutôt que sur des preuves établies. Les divergences entre les différentes recommandations reflètent les différences d’opinion entre les différents experts.
Étant donné que la surveillance des variations de la DMO est une alternative à l’utilisation des marqueurs du remodelage osseux et que tous les Canadiens n’ont pas un accès égal à ce test, nous recommandons que la décision de recourir aux marqueurs du remodelage osseux soit prise conjointement par le patient et son médecin.
Parmi les facteurs qui peuvent aider à prendre cette décision, citons :
- L’accessibilité et la couverture du test.
- L’accessibilité de l’acide zolédronique par voie intraveineuse, y compris la prise en charge de doses multiples en l’espace d’un an, si cela est jugé nécessaire.
- D’autres preuves cliniques de la stabilité osseuse (stabilité de la DMO, absence ou présence de nouvelles fractures).
- De nouvelles données probantes issues de la recherche pour ou contre l’utilisation systématique de marqueurs du remodelage osseux pour l’arrêt du dénosumab.
- L’expérience du médecin dans l’interprétation des résultats des marqueurs du remodelage osseux (connaissance du moment approprié pour le test, de l’état de jeûne et de la prise en compte des facteurs influençant les résultats).
Références :
- Symonds, C. et G. Kline, Warning of an increased risk of vertebral fracture after stopping denosumab, JAMC, 23 avril 2018; 190(16) : E485-E486. Doi : 10.1503/cmaj.180115.
- https://osteoporosecanada.ca/prises-de-position/risque-accru-de-fracture-vertebrale-apres-larret-de-denosumab.
- Morin, S. N., S. Feldman, L. Funnell, L. Giangregorio, S. Kim, H. McDonald-Blumer, N. Santesso, R. Ridout, W. Ward, M. C. Ashe, Z. Bardai, J. Bartley, N. Binkley, S. Burrell, D. Butt, S. M. Cadarette, A. M. Cheung, P. Chilibeck, S. Dunn, J. Falk, H. Frame, W. Gittings, K. Hayes, C. Holmes, G. Ioannidis, S. B. Jaglal, R. Josse, A. A. Khan, V. McIntyre, L. Nash, A. Negm, A. Papaioannou, M. Ponzano, I. B. Rodrigues, L. Thabane, C. A. Thomas, L. Tile et J. D. Wark; pour le groupe d’actualisation des lignes directrices 2023 d’Ostéoporose Canada, Actualisation 2023 des lignes directrices de pratique clinique pour la prise en charge de l’ostéoporose et la prévention des fractures au Canada, JAMC, 10 oct 2023; 195(39) : E1333-E1348. Doi : 10.1503/cmaj.221647 [version française ici].
- Bone, H. G., R. B. Wagman, M. L. Brandi, J. P. Brown, R. Chapurlat, S. R. Cummings, E. Czerwiński, A. Fahrleitner-Pammer, D. L. Kendler, K. Lippuner, J. Y. Reginster, C. Roux, J. Malouf, M. N. Bradley, N. S. Daizadeh, A. Wang, P. Dakin, N. Pannacciulli, D. W. Dempster et S. Papapoulos, 10 years of denosumab treatment in postmenopausal women with osteoporosis: results from the phase 3 randomised FREEDOM trial and open-label extension, Lancet Diabetes Endocrinol, juillet 2017; 5(7) : p. 513 à 523. Doi : 10.1016/S2213-8587(17)30138-9.
- Everts-Graber, J., H. Bonel, D. Lehmann, B. Gahl, H. Häuselmann, U. Studer, H. R. Ziswiler, S. Reichenbach et T. Lehmann, Incidence of Atypical Femoral Fractures in Patients on Osteoporosis Therapy-A Registry-Based Cohort Study, JBMR Plus, 22 sept 2022; 6(10) : e10681. Doi : 10.1002/jbm4.10681.
- Tsourdi, E., M. C. Zillikens, C. Meier, J. J. Body, E. Gonzalez Rodriguez, A. D. Anastasilakis, B. Abrahamsen, E. McCloskey, L. C. Hofbauer, N. Guañabens, B. Obermayer-Pietsch, S. H. Ralston, R. Eastell, J. Pepe, A. Palermo et B. Langdahl, Fracture risk and management of discontinuation of denosumab therapy: a systematic review and position statement by ECTS, J Clin Endocrinol Metab., 26 oct 2020 : dgaa756. Doi : 10.1210/clinem/dgaa756.
- Eastell, R. et C. J. Rosen, Response to Letter to the Editor: “Pharmacological Management of Osteoporosis in Postmenopausal Women: An Endocrine Society Clinical Practice Guideline”, J Clin Endocrinol Metab., 1er août 2019; 104(8) : p. 3537-3538. Doi : 10.1210/jc.2019-00777.
- Grassi, G., A. Ghielmetti, M. Zampogna, I. Chiodini, M. Arosio, G. Mantovani et C. Eller Vainicher, Zoledronate after denosumab discontinuation: Is repeated administrations more effective than single infusion?, J Clin Endocrinol Metab., 13 avril 2024 : dgae224. Doi : 10.1210/clinem/dgae224.
- Tay, W. L. et D. Tay, Discontinuing Denosumab: Can It Be Done Safely? A Review of the Literature, Endocrinol Metab (Séoul), avril 2022; 37(2) : p. 183 à 194. Doi : 10.3803/EnM.2021.1369.
Conseil consultatif scientifique
L’équipe d’intervention rapide d’Ostéoporose Canada, composée de membres du Conseil consultatif scientifique, crée des énoncés de principe dès que des nouvelles sont diffusées au sujet de l’ostéoporose. Ces énoncés de principe servent à informer à la fois les professionnels de la santé et les patients. Les membres du Conseil consultatif scientifique (CCS) sont des bénévoles experts des domaines de l’ostéoporose et du métabolisme osseux.